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Face aux loups, la santé des éleveurs en perdition

Les éleveurs ovins ont de plus en plus de mal à protéger leur troupeau de la prédation.
Les éleveurs ovins ont de plus en plus de mal à protéger leur troupeau de la prédation.

Touchés par la pression de la prédation de plus en plus forte, au-delà de la diminution de leurs cheptels et des répercussions économiques, les éleveurs sont fortement impactés d’un point de vue psychologique. Quelles conséquences sur la santé des éleveurs et des bergers ?

Dans les zones de haute et moyenne montagne, comme en plaine, la prédation du loup sur les troupeaux se renforce, mettant les élevages en grande difficulté.
Certains éleveurs ou bergers ont déjà évoqué l’idée d’arrêter ce métier de passion, et ce, pour plusieurs raisons : non seulement, la prédation met en jeu la sécurité financière des exploitations agricoles, mais elle a aussi un impact fort sur la santé des éleveurs et de leurs familles. C’est ce qu’ont tenté de démontrer deux scientifiques du laboratoire Agroécologie, innovations et territoires (AGIR) du centre Inrae Occitanie-Toulouse, Frédéric Nicolas et Antoine Doré, dans une étude financée par la MSA (2019-2021), intitulée « Étude socio-anthropologique sur les effets de la présence du loup sur la santé des éleveurs et bergers ».

La prédation, devenue routinière ?

Depuis, les attaques sur les troupeaux sont en perpétuelle croissance et la présence lupine devient un véritable fléau pour l’activité des éleveurs. Malgré l’instauration du Plan loup*, les exploitants agricoles sont épuisés : entre surmenage et angoisse, entre le sentiment d’être incompris et celui d’être seul, les facteurs sur leur santé sont réels. « Dans les territoires où le loup est présent depuis plusieurs années voire plusieurs décennies par exemple, les éleveurs et bergers, notamment parmi ceux qui ne subissent pas de grosses attaques, peuvent ne plus réagir aussi fortement aux attaques qu’ils pouvaient le faire par le passé. Une certaine « routine» ou « habitude » peut s’installer au bout de 4-5 ans, et les attaques deviennent « normales », au point de faire partie d’une « routine de galères ». (…) «Cela ne veut pas dire qu’ils n’en souffrent pas », précisent les deux chercheurs.

Cacher les failles

Connus comme des « durs au mal», les éleveurs (et plus globalement les agriculteurs) ont bien souvent un rapport ambigu avec les prises en charge médicales. Parler de leurs ressentis suite à des attaques de loup n’est pas chose aisée : d’un côté, ils souhaitent préserver leurs proches et ne pas leur montrer leurs failles, d’un autre, ils ne se sentent pas réellement compris par des professionnels de santé n’ayant pas connu pareille situation.
L’étude, qui s’est appuyée sur des entretiens et des données statistiques auprès d’éleveurs et de bergers, a permis de montrer que la prédation était un facteur de stress physique et psychologique important. Les attaques, aussi violentes soient-elles, provoquent des sentiments de colère, de détresse, voire d’abattement chez les professionnels du pastoralisme.