Vous êtes ici

Agriculture et biodiversité, une relation gagnant gagnant

Jérémy Herel, chargé de mission biodiversité à la Chambre d’agriculture, Olivier Perrin, éleveur à Ceffonds, et Antonio Pereira, conseiller agronomique à la Chambre d’agriculture.
Jérémy Herel, chargé de mission biodiversité à la Chambre d’agriculture, Olivier Perrin, éleveur à Ceffonds, et Antonio Pereira, conseiller agronomique à la Chambre d’agriculture.

Le 19 novembre, pendant le festival de la photo animalière de Montier en Der, la Chambre d’agriculture a organisé une table ronde sur le thème : « préserver la biodiversité en proposant une alimentation de qualité ».

Du 16 au 19 novembre, la Chambre d’agriculture et les Jeunes Agriculteurs de Haute-Marne étaient présents au festival de la photo animalière. Sur leur stand « la biodiversité et l’agriculture », les deux acteurs agricoles ont présenté leurs actions et leurs résultats à travers une exposition de slips. Ils ont organisé des jeux autour des 5 sens et des métiers de l’agriculture, et accueilli des classes de primaire et collèges.

Lors d’une conférence le 19 novembre, la Chambre d’agriculture a réuni trois professionnels du monde agricole pour évoquer la biodiversité en agriculture. Antonio Pereira, conseiller agronomique à la Chambre d’agriculture, a expliqué comment l’agriculture a complètement changé ces dernières décennies : « l’agriculture est très contrôlée, ce qui contribue à la garantie d’une production de qualité ».

Les pratiques ont évolué, l’agriculture est désormais pleinement inscrite dans la transition écologique. Antonio Pereira rappelle que les agriculteurs utilisent « beaucoup moins de produits phytosanitaires que dans le passé », en citant le durcissement des contraintes réglementaires, le prix très élevé de certains produits, ou encore les progrès de la recherche. « En blé, il y a des variétés qui sont de plus en plus tolérantes aux maladies fongiques, et donc qui nécessitent beaucoup moins de traitement. Il y a quelques dizaines d’années, on faisait trois fongicides sur le cycle d’un blé, aujourd’hui on fait un seul traitement à un stade clé avec des doses beaucoup plus faibles. Certains exploitants arrivent même à s’en passer », note le conseiller qui précise que les agriculteurs sont formés (Certiphyto) et doivent utiliser du matériel aux normes, agréés, faisant l’objet de contrôles techniques périodiques.

Le végétal plutôt que la chimie

Aujourd’hui tout système agricole est basé sur la rotation des cultures. « On commence à voir une diversité qui se travaille à l’échelle de la parcelle, c’est-à-dire que dans un même temps de culture on va cultiver plusieurs espèces choisies pour leurs fonctions éco-systémiques » poursuit Antonio Pereira. Cette diversité végétale, permet de diminuer la consommation de produits chimiques, voire de la supprimer.

Si les parcelles en grandes cultures accueillent moins de biodiversité, certaines espèces animales peuvent néanmoins y trouver leur compte. « On peut par exemple citer le busard cendré qui, au sein d’une grande parcelle cultivée, trouvera un habitat propice pour faire son nid, car il est loin des prédateurs et autres perturbateurs » explique Jérémy Herel, chargé de mission biodiversité à la Chambre d’agriculture.

Santé du sol

Les agriculteurs sont aussi plus sensibles à la santé de leur sol. Ce dernier abrite le quart des êtres vivants de la planète. Le travail du sol va donc obligatoirement impacter cette biodiversité. « Un sol avec moins de biodiversité va nécessiter beaucoup de charges pour maintenir son niveau de productivité. Le sol doit reprendre toute sa place dans le coeur de décision d’un agriculteur » prévient Antonio Pereira.
La Chambre régionale d’agriculture du Grand Est a lancé une étude pour mesurer l’impact des pratiques agricoles sur la biodiversité. Cette étude, commencée l’année dernière pour une durée de huit ans, a déjà révélé des premiers résultats. « Sur des cultures en semis direct, on a constaté une biomasse supérieure par rapport à des parcelles très travaillées » explique Jérémy Herel. « On a aussi vu l’intérêt d’une haie, qui en plus de servir de refuge à la faune et à la flore, permet de maintenir la structure des sols, évitant la perte des éléments minéraux ».

Effets positifs de la prairie

Les prairies limitent également le ruissellement. Elles apportent de nombreux effets bénéfiques pour la biodiversité. « Les prairies à fleurs sont utiles pour les pollinisateurs et les oiseaux et ce sont des puits de carbone » précise Jérémy Herel. « Les racines des surfaces herbacées améliorent l’infiltration d’eau dans le sol. La prairie est une véritable éponge, elle absorbe les quantités d’eau et les restitue en période sèche. Elle va aussi filtrer toutes les impuretés présentes dans l’eau ».
Olivier Perrin, polyculteur éleveur à Ceffonds, ajoute que « la prairie demande très peu de produits phytosanitaires puisque la fertilisation est assurée par les effluents d’élevage ». Il considère que la biodiversité n’est pas un « handicap sur le plan économique », bien au contraire, elle peut être « un facteur pour valoriser le potentiel naturel des prairies », et rappelle que la principale source de protéines d’un élevage est issue de l’herbe. « Enormément d’éleveurs utilisent la culture de l’herbe, car elle a de nombreux atouts : elle est permanente, et elle peut être productive tôt au printemps et tard à l’automne. Même si la prairie peut souffrir pendant une période de sécheresse elle peut reprendre après une période de pluie ».

Au GAEC du Grand Pré, Olivier Perrin a toujours essayé de préserver les prairies et les haies. Il y a deux ans, des linéaires de haies, bosquets et arbres fruitiers ont été replantés, en partenariat avec la Ligue de protection des oiseaux.

« Si c’est bien positionné, cela ne pose pas de problème pour le pâturage, au contraire cela apporte de l’ombre aux bovins. C’est important pour le bien-être animal, particulièrement lors des sécheresses en été », déclare l’éleveur.

Mais si la polyculture élevage bénéficie de nombreux atouts, ce modèle est « en danger, car l’élevage en France est en perte de vitesse » avec « une baisse globale des productions en lait, et en viande bovine et ovine » alerte Olivier Perrin. Les causes sont multiples : vieillissement de la population agricole, manque de main d’oeuvre, contraintes du métier, prix pas toujours rémunérateur… Si le renouvellement des générations est un enjeu majeur pour le monde agricole, il l’est aussi pour la biodiversité. « Si demain on n’a plus d’élevage, que vont devenir les prairies dans les années qui viennent ? On ne sait les valoriser que par l’élevage ».

L’arrêt de l’élevage pose aussi la question de la souveraineté alimentaire. « On devra importer des denrées qui ne correspondent pas forcément à nos standards et qui n’auront rien à voir en termes de traçabilité auprès du consommateur » explique Olivier Perrin.

Communiquer

Les apports de l’agriculture sur la biodiversité sont encore trop méconnus du grand public. « Le monde agricole en général et les agriculteurs en particulier souffrent d’un réel défaut de communication. Pourtant la biodiversité est un sujet qui concerne tout le monde, chacun dépend de la biodiversité à un moment ou à un autre » rappelle Antonio Pereira, en ajoutant que « notre action de consommation a un impact sur la biodiversité ».

Olivier Perrin reconnaît que le secteur agricole doit encore faire des efforts pour mieux communiquer sur ses pratiques. « Mais malgré tout, on sent que le retour des citoyens sur notre métier est quand même favorable, c’est plutôt encourageant » explique-t-il. « Mais au final, c’est le consommateur qui est responsable de ce qui va se passer demain » poursuit Olivier Perrin.

Il prend en exemple la filière biologique qui connaît actuellement des difficultés. Avec l’inflation, les consommateurs ont changé leurs habitudes et les produits bio sont moins plébiscités. « Aujourd’hui 20 % de la production laitière bio est en trop sur le marché. C’est un vrai problème pour les éleveurs bio. Chaque citoyen doit décider de ce qu’il veut manger à l’avenir », conclut Olivier Perrin.