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Un élevage laitier qui a su s’adapter

La mise en place du méthaniseur devrait permettre l’installation d’un jeune.
La mise en place du méthaniseur devrait permettre l’installation d’un jeune.

Les Chambres d’agriculture de l’Aube et de la Haute-Marne ont convié des conseillers régionaux au GAEC FOURIER à Colombey-les-Deux-Eglises. L’exploitation a maintenu son atelier laitier en créant un nouveau bâtiment et une micro-méthanisation.

Les présidents des Chambres d’agriculture, Alain Boulard pour l’Aube et Marc Poulot pour la Haute-Marne, ont accueilli les conseillers régionaux Sophie Delong, Etienne Marasi et Maxence Meunier sur une exploitation de Colombey les Deux Eglises le 9 octobre. Cette rencontre a permis de faire un point sur l’actualité agricole, l’installation et la transmission, mais aussi d’échanger avec les associés du GAEC FOURIER qui ont fait visiter leur ferme.

L’exploitation a beaucoup évolué au fil du temps. Lorsque Sylvain Fourier s’installe sur la ferme de son père Pierre en 1993 il n’y avait que 40 vaches laitières. Trois fois moins qu’aujourd’hui. Quand Pierre part en retraite en 2005, il est remplacé par Jérôme, ancien salarié agricole dans la Meuse et ami de Sylvain. Les deux associés agrandissent la SAU, le cheptel et le bâtiment d’élevage. « Mes neveux, Emilien et Florent, qui travaillent dans l’Aube dans le secteur céréalier et viticole cherchaient à s’installer, mais c’était compliqué à cause de la pression foncière chez eux » explique Sylvain. « Je voulais arrêter l’élevage, eux voulaient continuer mais en changeant les conditions de travail qui étaient trop difficiles ».

Modernisation

Les quatre associés ont comme projet en 2019 de construire un nouveau bâtiment, plus automatisé avec des robots de traite et des panneaux photovoltaïques sur la toiture, ainsi qu’une unité de micro-méthanisation en cogénération. Les travaux débutent en 2021, mais les débuts sont difficiles car la crise du covid puis la guerre en Ukraine entrainent une augmentation des prix des matériaux et des retards dans les délais de livraison.

Le coût du projet passe de 1,2 million d’euros à près d’1,6 million. « Colombey est un site classé alors l’administratif est très lourd, le transformateur devait être vert plutôt que blanc et a mis 6 mois à arriver. On a commencé sans électricité, on a dû mettre un groupe électrogène et les panneaux solaires n’étaient pas installés. Les subventions ont été moins importantes que prévues et ont mis du temps à arriver. Heureusement qu’on avait une bonne trésorerie » souligne Sylvain.

Finalement le méthaniseur sera mis en service en mars 2023 au lieu de mai 2022, pour une production mensuelle comprise entre 35 000 et 42 000 kWh.
« On avait comme projet de monter une ligne de séchage pour nos grains, le foin et la luzerne, mais on a abandonné car avec l’augmentation des coûts de construction la rentabilité n’était plus là » explique Sylvain.

Une partie de la chaleur retourne dans le méthaniseur et une autre partie est utilisée pour chauffer l’eau de lavage des robots de traite. « Le reste de la chaleur est perdue alors qu’elle pourrait être valorisée » déplore Sylvain. Ce dernier a proposé de chauffer la gendarmerie, distante de quelques centaines de mètres et qui comporte 7 logements en plus des bureaux. Mais le ministère n’a toujours pas communiqué sa décision.

« Le but est de valoriser l’élevage avec la méthanisation » résument les associés. La ferme est complètement autonome pour alimenter son unité. Une ration de 15 m³ est injectée quotidiennement. Elle se compose de 80 % d’effluents d’élevage, ainsi que des issus de céréales et de l’herbe. « Il n’y a pas de cultures dédiées, l’objectif est de créer un revenu supplémentaire sans changer notre assolement » soulignent les exploitants. Car ce projet a été monté dans le but d’installer le fils de Sylvain, Nathan, qui vient de terminer son BTS.

Diversifier pour tenir les chocs

Aujourd’hui l’exploitation compte 480 ha et 120 vaches, pour un quota de 1 150 000 l de lait, livrés à Ermitage. Le lait est payé 480 €/1000 l en prix de base (500 € avec la qualité).

Un prix nécessaire face à l’augmentation des coûts de mécanisation et de l’aliment, surtout que le lait est produit sans OGM. La ferme est dans une démarche laitière bas carbone et utilise une ration à base de lin, qui diminue les émissions de méthane. Cette économie de 300 t de carbone par an est valorisée à 9000 euros, ce qui couvre l’augmentation des prix de l’aliment.
« Quand un jeune s’installe on lui demande de se projeter dans 5 ans, mais aujourd’hui en agriculture, il n’y a plus de vision sur 5 ans » indique Sylvain. « Si demain le prix du lait diminue trop, notre situation ne sera plus tenable avec les investissements qu’on a, et que vont devenir les jeunes qui se sont installés ? Dans notre projet les panneaux solaires payent une partie de l’investissement du bâtiment et la méthanisation apporte un revenu supplémentaire, ce qui permet de tenir en cas de mauvaise année en production laitière. Si on veut maintenir l’élevage il faudra trouver ce genre de solution, avoir quelque chose à côté pour tenir les chocs ».

Un projet qui a du sens

Cette rencontre témoigne de la volonté des Chambres d’agriculture de redynamiser l’élevage sur le territoire. Selon Alain Boulard, cette ferme prouve que « le fait d’avoir un méthaniseur contribue au maintien de l’élevage ». Pour Maxence Meunier, « ce projet a du sens car il coche toutes les cases du modèle que l’on veut promouvoir : l’installation de jeunes, la production d’énergie et le maintien de l’élevage en rendant le métier moins pénible ». Sophie Delong évoque « un projet né dans des conditions difficiles », et estime qu’il y a « un travail à faire pour éviter les lourdeurs administratives ». Etienne Marasi salue « la force d’un projet collectif qui a su s’adapter aux circonstances et aux réalités économiques en pleine période d’inflation ».